Polémique Guéant sur les « civilisations », prime-time sur France 2 avec Merkel, couverture du Figaro sur les « valeurs », vrai-faux suspense sur sa candidature, lancement de sa « TimeLine » Facebook, retrait de Boutin sur TF1, retraits annoncés de Morin et Villepin…
En quoi ? A peine 15 jours.Hollande a été éclipsé du paysage médiatique. Sarkozy a fait le ménage à droite et s’est rétabli sur ses pieds. Jusqu’à sa déclaration de candidature hier soir, sur TF1, face à Laurence Ferrari.
Certes, l’exercice était globalement raté. Le cadre était trop convenu, presque banal, pour une annonce qu’on attendait exceptionnelle – à la hauteur des moyens déployés par Hollande au Bourget.
Sarkozy paraissait fatigué. Sa ligne était incertaine, entre affirmation d’un leadership et appel au peuple. Le référendum est pour Sarkozy comme un moyen de re-légitimation du pouvoir. Comme si l’élection pouvait, en quelque sorte, être différée, déplacée, de l’échéance du 6 mai à une échéance plus lointaine. Celle du référendum. Comme si on pouvait allonger l’échéance du quinquennat que Sarkozy, dans un lapsus, a d’ailleurs failli qualifier de « septennat ». Comme si on pouvait, en somme, troquer une élection contre une autre.
Mais… Et c’est un gros mais. Sarkozy est toujours le maître de l’agenda médiatique. Le PS, avec Hollande, n’a pu que caler son deuxième meeting de campagne, à Rouen, immédiatement avant celui du Président, à 19h25. Il a été forcé d’attaquer, et d’attaquer dur, pour exister. Alors que Sarkozy, en face, a pu déployer son programme – enfin, son référendum.
La campagne 2012 a des allures de jeu d’échecs, de rencontre entre Karpov et Kasparov. Entre un style efficace, méthodique, bulldozer, qui ne laisse absolument rien au hasard, et un style plus romantique, avec des élans, de brusques inspirations, des coups de génie, mais un manque de constance.
Et surtout, Nicolas Sarkozy et ses conseillers ont choisi la stratégie la plus simple : celle de l’effaceur.
Ils ont pris leur gomme magique pour tenter d’effacer l’ancien président et de faire apparaître un autre homme. L’épisode de la page Facebook du candidat UMP est à ce titre révélateur. Oubliées Cécilia et les photos avec Kadhafi.
Ce gommage habile procède de la même stratégie qu’en 2007. Alors qu’il était au gouvernement depuis 5 ans, Sarkozy avait réussi à faire croire qu’il avait changé, et qu’il était même en opposition avec la politique menée par le gouvernement.
En 2012, il veut faire oublier son bilan et un quinquennat marqué par les errements des débuts – le « bling bling » érigé en art de vivre. Sarkozy prépare d’ailleurs un livre annoncé comme plus « personnel ». Comme une forme de retour aux sources. Les épreuves seraient en train d’être « rewritées » par Emmanuelle Mignon, son ancienne conseillère, et l’une des architectes – le mot n’est pas trop fort – de sa victoire en 2007.
La bataille qui s’est engagée hier soir, depuis le Zénith de Rouen pour Hollande, depuis le plateau de TF1 pour Sarkozy, est donc aussi une bataille pour la mémoire. Si Sarkozy parvient, par sa maîtrise de l’agenda et des outils de communication, à effacer l’ardoise, alors « tout redevient possible » pour lui. Et il entrera, au lendemain du 6 mai, dans l’histoire de la communication politique. On pourra dire, en paraphrasant Shakespeare : « Pays fut-il jamais courtisé de cette façon ? Pays fut-il jamais conquis de cette façon ? ». Par contre si Hollande parvient à souligner le bilan de Nicolas Sarkozy et à faire adhérer les Français à son projet, alors le gommage que veut opérer Sarkozy sera trop visible et la tâche du président sortant – même avec une communication politique très habile – sera rude, très rude.
C’est assez dire la hauteur du défi qui attend Sarkozy. Et la férocité des combats à venir.